L'inclusion sociale ne doit pas résider en un droit spécifique qui pourrait se révéler stigmatisant. Il convient donc d’éviter qu'elle ne passe par une forme d’exclusion juridique. Un équilibre doit être recherché entre la mise en place de solutions spécifiques et des actions s’inscrivant dans le droit commun.

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Un droit qui inclut et exclut à la fois ?

Y a-t-il eu une erreur « originelle » dans la définition de la notion d’inclusion ? Les moyens utilisés dans un premier temps pour garantir l’égalité n’ont pas permis de penser celle-ci de manière globale. L’État providence, à travers la mise en place de sa protection sociale, s’est appuyé sur des catégories (retraités, assurés sociaux, chômeurs…) pour lutter contre les exclusions des plus vulnérables, sans pour autant développer une politique d’inclusion.

« Il semble qu’il y ait une impossibilité manifeste
à passer du discours centré sur l’inclusion aux actes. »

Et bien que l’inclusion des personnes âgées soit dans tous les discours, on est bien loin d’une société inclusive. D’abord parce que le phénomène est trop souvent réduit à un seul de ses volets, celui de la dépendance, alors que nombreuses sont les personnes âgées autonomes ; ensuite parce que le problème de la dépendance ne reçoit pas encore de solutions pleinement satisfaisantes ; enfin parce que, pour les personnes dépendantes, cette compensation des besoins n’est que la première étape d’une pleine participation à la vie sociale. Il convient donc de rechercher ce qu’il en est au-delà de ce discours normatif, incomplet et ambivalent.

Les « vieux » sont-ils des citoyens de seconde zone ?

Quel que soit le contexte étudié, l’exclusion des personnes âgées n’est jamais loin, soit en raison de mauvaises pratiques, soit en raison d’un excès de protection. Certaines personnes peuvent ainsi échapper à la vigilance des décideurs publics, voire être écartées par les acteurs privés.

Si les modalités d’appréhension juridique des personnes âgées méritent d’être repensées, il est tout aussi indispensable de s’interroger sur les raisons et les objectifs d’une telle prise en compte. Celle-ci repose sur une approche du vieillissement à partir des fragilités qui, bien que réelles, sont réductrices. Ce lien a ceci de contestable qu’il occulte les forces liées au vieillissement, parmi lesquelles l’expérience, la sagesse, l’apprivoisement de la mort, la disponibilité…

Transition inclusive

Le combat pour l’égalité impose donc de réviser notre approche actuelle. Changer de regard sur les personnes vieillissantes exige de les penser prioritairement comme des « personnes » avant de les voir comme « âgées ». Il semble donc nécessaire de dépasser les oppositions traditionnelles entre désirs et sécurité, entre liberté et protection. Le paradigme de l’inclusion implique de détecter les causes des obstacles – provisoires ou permanents – qui empêchent la participation des individus aux différentes sphères de la vie en société. Cela suppose de ne pas partir des caractéristiques de la personne discriminée (âge, handicap), mais au contraire d’agir sur son environnement pour lui rendre celui-ci accessible.

« Nous sommes tous potentiellement vieux
ou provisoirement jeunes. »

Les pouvoirs publics seraient également bien inspirés de s’intéresser davantage aux différents bienfaits de la mixité des générations, au-delà de la solidarité entre générations qui évoque essentiellement un devoir. Cela permettrait en outre de dissiper l’idée trop souvent avancée de conflit de générations, qui engendre un véritable risque d’exclusion. Une autre voie consisterait à appréhender la fragilité et la vulnérabilité comme inhérentes à la nature humaine.

Ce numéro met ainsi en exergue la portée et les limites de la notion d’inclusion à travers différents contextes juridiques.

Présentation des coordonnateurs

Marie Mercat-Bruns est professeure affiliée à l’École de droit de Sciences Po. Elle est aussi maître de conférences en droit privé HDR au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) où elle est membre du Laboratoire Lise CNRS (copilote de l’axe Genre, droit et discriminations).
Camille Bourdaire-Mignot est maître de conférences en droit privé à l’université Paris Nanterre (Cedcace – EA 3457).
Tatiana Gründler est maître de conférences en droit public à l’université Paris Nanterre (CTAD équipe Credof – UMR 70/74).

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