Cet extrait est tiré d'un entretien publié dans le numéro 75 de Retraite et société ; il a été réalisé par Jim Ogg et Carine Cordier (Cnav). Réjean Hébert aborde la question des gérontechnologies et de la Silver economy au Québec. Réjean Hébert est gériatre, professeur à l’École de santé publique de l’université de Montréal, ancien ministre de la Santé (et des Aînés) du Québec. Il a fondé le Centre de recherche sur le vieillissement (CDRV) de Sherbrooke.

Pouvez-vous nous dire si la notion de silver economy existe en tant que telle au Canada ? Et si tel est le cas, que recouvre-t-elle, quelles sont les opportunités et inquiétudes qui lui sont associées ?

Réjean Hébert : Cette notion de silver economy existe beaucoup moins au Québec et au Canada. Peu d’entreprises ont réalisé le potentiel de marché important que représentent les personnes âgées. L’un des seuls marchés en pleine expansion est celui des résidences pour aînés, pour lequel s’est développée une offre très importante au cours des 15 dernières années. Actuellement, au Québec, plus de 17 % des personnes de plus de 75 ans habitent dans ces résidences où elles trouvent sécurité, confort et services. Le Québec fait figure de société distincte au Canada puisque ce mouvement y est très important. Pourquoi ? Difficile à dire, mais c’est sans doute lié à l’insuffisance de l’offre de services à domicile. En France, la silver economy se développe beaucoup autour des services aux aînés, notamment les soins à domicile. Ce marché est beaucoup moins structuré au Québec, vu l’absence de financement dédié comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et l’implication prépondérante de l’État, de l’économie sociale et des organisations bénévoles. Le secteur privé est sensiblement moins présent et l’entrepreneuriat moins favorisé dans ce domaine.

La question du financement de la dépendance est actuellement à l’ordre du jour au Canada, pouvez-vous nous éclairer sur les débats qui ont court et nous dire si la question des gérontechnologies se pose de façon spécifique ? Et si oui, comment ?

Réjean Hébert : Le modèle assistanciel de couverture universelle des soins que nous connaissons au Québec s’inspire des modèles beveridgiens mis en place au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves. Ce système couvre les soins « médicalement nécessaires », soit essentiellement les services hospitaliers et les frais médicaux. Le financement des soins à long terme, que ce soit à domicile ou en établissement, s’est développé en marge, l’hébergement ayant reçu une priorité par sa relation historique à l’hôpital. On voit ainsi les limites d’un tel financement dans une perspective de vieillissement de la population et de l’épidémie de maladies chroniques et d’incapacités qui l’accompagne. L’implantation du réseau intégré (Prisma) a mis en évidence les enjeux de financement pour soutenir le plan de service individualisé. Nous avons donc tenté, pendant notre mandat ministériel, d’introduire une assurance autonomie, une assurance de soins à long terme comme l’APA en France. Un livre blanc a été bien accueilli par toutes les parties prenantes et un projet de loi (67) a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec en décembre 2013 pour instituer l’assurance autonomie le 1er avril 2015. Malheureusement, le gouvernement minoritaire de Mme Marois a déclenché des élections en février 2014 et la défaite électorale a relégué aux oubliettes le projet d’assurance autonomie. Toutefois, un changement de financement demeure incontournable au Québec pour permettre aux personnes âgées et handicapées de rester à domicile en dépit d’incapacités, d’y recevoir des services et de bénéficier d’aides techniques et de gérontechnologies.

Vous pouvez retrouver la totalité de cet entretien dans le numéro 75 de Retraite et société.