Avant d’engager Hilauseniors, nous avions réalisé en 2023 un questionnaire-test en Touraine et dans le Cher. Aujourd’hui, nous recevons les premiers questionnaires HILOS. Hilauseniors se concrétise ! Dans HILOS, il y a « HI » et « LO » : HI comme « Habitats Intermédiaires » et LO comme « Logements Ordinaires ». Dans notre futur panel, nous espérons réunir deux tiers de personnes en LO et un tiers en HI. Nous pourrons ainsi comparer l’évolution de l’autonomie selon le type d’habitat et repérer au fil des années des personnes en logement ordinaire faisant le choix d’aller vivre en habitat intermédiaire. La question principale consiste à apprécier l’influence du type d’habitat sur l’autonomie. Comme l’indiquent les deux gériatres membres de l’équipe, le domicile peut être protecteur autant que facteur de risque et d’isolement. Accompagner l’autonomie des personnes âgées est aussi la mission des conseils départementaux. Le département du Cher rappelle l’importance de proposer une offre d’habitats adaptés aux besoins des seniors qui aspirent à vivre à domicile le plus longtemps possible.

Le projet : 13 000 retraités répondants et bientôt 15 000 !
Un article écrit par Raphaël Dhuot, chercheur à l’Assurance retraite
La première étape du projet Hilauseniors est de constituer un panel de 15 000 personnes âgées de 75 ans et plus. Pour cela, nous avons adressé le questionnaire HILOS par voie postale à 75 000 retraités du régime général tirés au hasard. L’intérêt des répondants pour les thèmes abordés est manifeste : 13 000 questionnaires ont déjà été retournés. L’enquête porte sur la situation actuelle des retraités, leur logement, leur quartier, leurs activités et relations sociales ainsi que sur leur état général de santé et leur autonomie. Les répondants seront réinterrogés deux autres fois, fin 2026 et mi-2028, pour apprécier l’évolution des différentes dimensions de l’autonomie. Nous comparerons les réponses selon que les personnes vivent en logement ordinaire ou en habitat intermédiaire, pour observer si les services proposés et la présence du personnel salarié soutiennent différemment l’autonomie des retraités dans les résidences autonomie et les résidences services.
Parallèlement, le consortium de recherche déploie une autre enquête en direction de toutes les résidences services seniors de France. Les responsables de ces habitats sont invités à répondre à un questionnaire en ligne qui leur a été adressé début février 2025. À ce jour, près de 300 réponses ont été collectées sur 1 400. L’objectif est de réunir des informations sur les caractéristiques du bâti, les services proposés, leurs coûts mais aussi sur le profil des résidents. Cette enquête, la première de cette ampleur sur les résidences services seniors de France, permettra de compléter l’information déjà connue sur les résidences autonomie et les Marpa. Les syndicats Silvita et Synerpa prêtent leur concours à cette opération.
Cadrage : penser l’habitat pour bien vieillir
Un article écrit par Wassim Gana et Bertrand Fougère, gériatres au CHRU de Tours
L’autonomie des personnes âgées est une notion multidimensionnelle qui dépasse la seule capacité à accomplir les actes du quotidien. Elle inclut des composantes physiques, cognitives, psychiques mais aussi sociales, qui interagissent entre elles dans le cadre de parcours de vie souvent complexes. L’environnement dans lequel une personne évolue – notamment son logement – joue un rôle central dans le maintien de cette autonomie globale.
Du point de vue médical, il est bien établi que l’environnement domestique peut agir comme facteur de risque ou au contraire comme facteur protecteur. Les chutes, par exemple, représentent une cause majeure de perte d’autonomie chez les personnes âgées, et une part importante d’entre elles sont liées à l’habitat. Dans 70 % des cas, elles se produisent à domicile (Santé publique France, 2017). De même, l’isolement social, souvent renforcé par l’éloignement géographique, peut avoir des répercussions importantes sur la santé des personnes âgées.
Des enjeux de santé publique
L’approche interdisciplinaire de la recherche Hilauseniors permet d’examiner les relations entre habitat et autonomie sous un angle à la fois clinique, social et géographique. Cette démarche est cohérente avec les recommandations en santé publique visant à promouvoir des environnements favorables au vieillissement, notamment dans une perspective de maintien de l’autonomie. La prévention joue ici un rôle majeur. Avoir un logement adapté et sécurisé, favoriser l’accès aux services et aux soins, ou encore préserver la qualité de vie sont autant de leviers pour soutenir toutes les capacités fonctionnelles et maintenir l’autonomie.
Hilauseniors : une approche intégrative de l’autonomie
Dans ce contexte, Hilauseniors contribue à mieux comprendre les facteurs modifiables qui influencent l’autonomie, et à guider les politiques publiques de santé vers des interventions efficaces, éthiquement fondées et acceptables socialement. Cette recherche s’inscrit dans cette dynamique, en dialogue avec les acteurs du territoire, et en lien avec des structures ressources comme le Gérontopôle Centre-Val de Loire, engagé dans l’appui à la recherche, à l’innovation et à l’expérimentation dans le champ du vieillissement.
Ainsi, penser le logement comme un déterminant de santé ouvre des perspectives nouvelles pour agir en amont, au plus près des réalités de vie des personnes âgées. Cette approche intégrative permet de mieux comprendre l’articulation entre le soin, la prévention et le cadre de vie, dans une logique d’accompagnement respectueuse et fondée sur les preuves.
Trois questions à… Laurent Nowik (maître de conférences, responsable scientifique d’Hilauseniors, Unité de recherche sur le vieillissement de la Caisse nationale de l’Assurance retraite
Propos recueillis par la rédaction de la Gazette

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
« Je suis responsable de l’Unité de recherche sur le vieillissement de l’Assurance retraite (URV) depuis 5 ans, suite à mon détachement de l’université de Tours. Précédemment, j’ai enseigné à des étudiants de licence et de master et j’ai mené des recherches en sociologie du vieillissement. »
Comment est né le projet Hilauseniors ?
« Au départ, nous avons pris connaissance de l’appel à projets du Programme prioritaire de recherche sur l’autonomie du gouvernement. L’URV a constitué un consortium avec des équipes de recherche. Ensemble, nous avons rédigé et déposé notre projet, que l’Agence nationale de la recherche (ANR) a retenu après un long processus de sélection. L’ANR nous octroie une subvention qui nous permet de financer nos enquêtes, de former des doctorants et de professionnaliser des post-doctorants. »
Quel est votre rôle et quels sont vos objectifs ?
« En tant que responsable, mon travail consiste à coordonner les enquêtes et les travaux interdisciplinaires des 11 partenaires scientifiques du projet. J’ai aussi en charge d’animer les relations avec des acteurs qui interviennent dans le champ de l’autonomie et du logement des personnes âgées. Ils sont directement intéressés par nos résultats, en particulier ceux que nous allons produire grâce aux 15 000 retraités qui ont répondu au questionnaire HILOS et que nous allons suivre sur toute la durée d’Hilauseniors. »
Zoom sur… le département du Cher et sa direction de l’Autonomie
Un article écrit par Céline Landon, cheffe du service accueil information schémas, direction de l’Autonomie, conseil départemental du Cher

Lorsque l’Unité de recherche sur le vieillissement de l’Assurance retraite est venue présenter en 2022 son projet de recherche Hilauseniors, le département du Cher a tout de suite trouvé un vif intérêt à cette démarche compte tenu des enjeux sociodémographiques du territoire. En effet, le Cher compte plus de 100 000 seniors de 60 ans et plus, soit 33 % de la population totale, et 43 % des 75 ans et plus vivent seuls à domicile. Enfin, au-delà de 75 ans, 60 % des personnes ont un niveau de vie inférieur au coût moyen d’une place en Ehpad. Aussi, il est important de comprendre et d’évaluer dès à présent comment le « vivre en habitat intermédiaire » comparé au « vivre en logement ordinaire » peut contribuer ou non à la préservation de l’autonomie des personnes âgées.
Évaluer les besoins, proposer une offre
Face au vieillissement qui va se poursuivre et à l’isolement qui se renforce, il est nécessaire de développer une offre diversifiée et adaptée aux besoins des personnes, en tenant compte de la forte volonté des seniors de vivre à domicile le plus longtemps possible. Dans le cadre de son schéma unique des solidarités, le département du Cher a lancé un programme développant des habitats inclusifs en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et plus particulièrement dans les zones rurales. Il soutient par ailleurs une politique d’attractivité des métiers de l’aide à domicile et accompagne la transformation des résidences autonomie et de leurs prestations. Permettre une offre complète entre le logement, les services et les commerces de proximité constitue un axe à développer pour soutenir la population vieillissante et favoriser la prévention de la perte d’autonomie.
S’appuyer sur les résultats de la recherche
Les résultats de la recherche Hilauseniors permettront de nourrir les réflexions du département du Cher et de ses partenaires sur les enjeux en matière de logement, de prévention, d’aide ou d’accompagnement face à la perte d’autonomie. La mesure d’impact à terme est également attendue afin d’identifier des expérimentations probantes, des indicateurs ou encore des conditions favorisant la préservation de l’autonomie des seniors de notre département.
Résultats commentés : cheminer vers une résidence autonomie ou une résidence services seniors
Un article écrit par l’équipe pilote d’Hilauseniors, Unité de recherche sur le vieillissement de l’Assurance retraite
En février 2023, en amont de l’enquête HILOS, les chercheurs du consortium ont testé un questionnaire pilote dans les départements du Cher et de l’Indre-et-Loire. Environ 1 000 questionnaires ont été adressés à une vingtaine d’habitats intermédiaires. Contactés au préalable, les responsables de structures ont remis le questionnaire à tous les résidents de 75 ans et plus, pour un taux de retour individuel par voie postale de 51 %.
Un choix pour 7 résidents sur 10
Au jour de l’enquête, l’âge moyen dans les deux grands types d’habitats dédiés aux seniors est comparable : 87,5 ans en résidence autonomie (RA) ; 87,6 ans en résidence services seniors (RSS). Plus du tiers des résidents en résidence autonomie (35 %) sont présents depuis moins de 3 ans contre plus de la moitié en résidence services seniors (55 %). Plus de 4 répondants sur 10 ne connaissaient pas la résidence avant d’y entrer. Pourtant, plus de 7 résidents sur 10 affirment que leur décision d’entrer en résidence autonomie ou en résidence services seniors s’est faite au bon moment, sans le regretter puisqu’ils referaient le même choix.
Une incitation forte de l’entourage
Dans les résidences autonomie, c’est d’abord le sentiment d’isolement qui est en lien avec cette décision. Se rapprocher d’un membre de sa famille ou un problème de santé sont plus souvent à l’origine de l’entrée en résidence services seniors. Les autres raisons sont indépendantes du type de structures : les questions d’insécurité sont en partie associées avec celles de l’isolement ; la santé est aussi associée à d’autres raisons telles que le besoin d’aide pour les tâches quotidiennes, l’intérêt d’un logement adapté ou idéal dans sa localisation.
Les raisons d’emménager en résidence autonomie ou en résidence services seniors

L’enquête montre que lorsque des considérations liées au logement (insécurité, localisation, adaptation) ont motivé la mobilité, les résidents se sont davantage déterminés seuls. En revanche, quand la santé ou le besoin d’aide sont à l’origine d’un emménagement en habitat intermédiaire, les incitations ont pu être plurielles. Et de manière attendue, le besoin de se rapprocher de la famille a été encore plus largement encouragé par les enfants et par eux uniquement.
Dans les deux types d’habitats, l’incitation de l’entourage est à l’origine de l’emménagement pour deux résidents sur trois, principalement les enfants, loin devant les amis, connaissances, autres personnes, sauf pour une minorité significative des résidents de résidence autonomie qui mentionne les encouragements du personnel médical.
Ces résultats seront contrôlés grâce à l’enquête HILOS qui porte sur un échantillon représentatif de personnes vivant en habitats intermédiaires.