Ce premier numéro de la Gazette Hilauseniors permet à Carole Bonnet, chercheuse à l'Ined, de dire pourquoi le défi démographique des prochaines années justifie de s'intéresser au logement des seniors. Nous présentons également le laboratoire Active, qui est l’une des 11 équipes scientifiques composant notre consortium, ainsi que le réseau Villes amies des aînés qui en est partenaire. Nous terminons en évoquant quelques résultats d’une enquête réalisée par la Drees, qui fait tous les 4 ans le point sur l’une des plus anciennes offres d’habitats intermédiaires présente en France, nommée « résidences autonomie » depuis 2015.

Le projet : en route pour 5 ans !
Un article écrit par Sabrina Aouici, chercheuse à l’Assurance retraite
Le champ de l’habitat à destination des personnes âgées s’est considérablement diversifié depuis quelques décennies, avec l’émergence d’un parc de logements dits « intermédiaires ». Ces habitats ont comme caractéristiques de proposer des logements fonctionnels et des services pour faciliter les activités
du quotidien. Grâce aux espaces partagés au sein de ces structures et à la présence des salariés qui y travaillent, ces habitats visent aussi à soutenir les relations sociales. Les résidences autonomie (ex-logements-foyers) et les résidences services seniors sont les structures les plus répandues, mais d’autres formules existent, comme les « béguinages », les colocations seniors ou encore les habitats dits « inclusifs ».
L’étude Hilauseniors a pour objectif principal d’explorer les relations entre l’autonomie des personnes âgées de 75 ans et plus et l’habitat, et plus spécifiquement de voir ce que les habitats intermédiaires apportent par rapport au logement « ordinaire ». Pour atteindre cet objectif, nous allons suivre pendant
4 ans une cohorte de plusieurs milliers de retraités vivant soit en logement ordinaire, soit en habitat intermédiaire, et nous allons comparer l’évolution de leur autonomie dans différents aspects de la vie quotidienne.
Des retraités reçoivent actuellement un courrier de l’Assurance retraite les invitant à répondre à un questionnaire et ainsi à « entrer » dans la « cohorte Hilauseniors ». Ces retraités seront interrogés trois fois, à 18 mois d’intervalle. Il faudra attendre le prochain numéro de la gazette pour savoir combien de personnes sont effectivement membres de la cohorte. Les résultats seront analysés par les chercheurs du consortium pluridisciplinaire, dont les logos figurent en dernière page.
Cadrage : vieillissement démographique, quels enjeux ?
Un article écrit par Carole Bonnet, chercheuse à l’Ined
En 1990, 14 Français sur 100 étaient âgés de 65 ans et plus. Trente ans plus tard, ils sont 21, et selon les dernières projections démographiques de l’Insee, réalisées en 2021, ils seront 27 en 2050. Ce vieillissement démographique, entendu comme une hausse de la part des 65 ans et plus dans la population, résulte d’un double effet. L’espérance de vie s’est fortement accrue depuis 1950 : de 63,4 ans pour les hommes et 69,2 ans pour les femmes en 1950, elle s’établit en 2023 à 80 ans et 85,7 ans. Par ailleurs, les générations nombreuses du baby-boom, nées après 1945, arrivent à ces âges de 65 ans et plus depuis 2010. Les deux phénomènes conduisent ainsi à un accroissement marqué des effectifs, en particulier ceux des plus âgés. La population des 75 ans et plus a ainsi quasiment doublé depuis 1990, passant de 3,8 à 7 millions aujourd’hui, et la croissance devrait se poursuivre pour atteindre 11,3 millions de personnes en 2050. La croissance est encore plus spectaculaire pour les 85 ans et plus, dont les effectifs seraient multipliés par 5 sur la même période 1990-2050.
Ces évolutions soulèvent des enjeux majeurs sur les conditions de vie des personnes âgées mais aussi sur les évolutions des systèmes de protection sociale, comme les systèmes de retraite, de santé ou de prise en charge de la perte d’autonomie. Un autre domaine de politiques publiques très concerné par le vieillissement est au cœur du programme Hilauseniors : c’est celui du logement. Comprendre quel type de logements va permettre aux différentes générations qui se succèdent de vivre autonomes au fil de leur avancée en âge est primordial pour répondre aux besoins d’une population croissante.
Trois questions à… Karine Pérès (épidémiologiste, équipe Active, centre de recherche Inserm, université de Bordeaux)
Propos recueillis par la rédaction de la Gazette

Pouvez-vous nous présenter Active, votre équipe ?
« Active est l’une des 10 équipes Inserm du centre Bordeaux Population Health de l’université de Bordeaux, qui vise à explorer les grandes priorités de santé publique, telles que le vieillissement et ses effets sur la perte d’autonomie. »
Quels sont les principaux résultats de vos travaux sur l’autonomie des 65 ans et plus ?
« Nous avons par exemple montré l’impact considérable de la maladie d’Alzheimer sur la perte d’autonomie dans la vie quotidienne, mais également identifié plusieurs moyens efficaces pour préserver son autonomie aussi longtemps que possible : bien s’alimenter, bouger, profiter de ses proches, avoir une vie intellectuellement et socialement riche, corriger rapidement les problèmes de vue, d’audition, de dépression, etc. Nous avons également mis en évidence que même s’il n’est jamais trop tard pour bien faire, le plus tôt est le mieux pour optimiser ses chances de bien vieillir ! »
Comment interviendrez-vous dans la recherche Hilauseniors ?
« Grâce à la participation de milliers de personnes aux études telles que Hilauseniors, nous serons en mesure d’étudier à grande échelle comment l’habitat et ses caractéristiques agissent sur l’évolution de l’autonomie, mais également comment la perte d’autonomie influence les choix résidentiels des seniors, par exemple rester à son domicile ou entrer en résidence autonomie. »
Zoom sur… la démarche Villes amies des aînés
Un article écrit par Pierre-Olivier Lefebvre, Délégué général du Réseau francophone Villes amies des aînés

Depuis 2012, le Réseau francophone des Villes amies des aînés (RFVAA), porté par une démarche à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé, accompagne les collectivités territoriales qui souhaitent adapter leurs territoires aux enjeux de la longévité.
Grâce au développement du label « Ami des Aînés® », le RFVAA leur propose des outils pour effectuer une démarche participative, un diagnostic territorial et un plan d’action afin d’encourager le déploiement de leur politique envers les habitants âgés.
Le RFVAA pointe la nécessité d’avoir à l’échelle d’un territoire un parcours résidentiel dans lequel les personnes se projettent, avec une gamme d’offres qui n’oppose pas le domicile et la vie collective.
L’exemple de la Cité des aînés de Saint-Étienne
La Cité des aînés de Saint-Étienne a vu le jour en 2019, grâce au partenariat entre le groupe mutualiste Aésio, la Ville de Saint-Étienne, un bailleur social (Loire Habitat) et un promoteur immobilier (Adim Lyon). La ville étant adhérente au RFVAA depuis 2016, elle a pu bénéficier des ressources de l’association pour mieux comprendre les aînés du territoire et répondre plus justement à leurs besoins. Ainsi, cette cité concentre sur un seul site une diversité d’habitats permettant d’accompagner l’évolution de chaque individu, en s’adaptant aux éventuelles pertes d’autonomie : un Ehpad, deux unités grande dépendance et une unité personnes handicapées avancées en âge, une résidence autonomie de 35 logements de type T1/T2 et 12 logements adaptés de type T2/T3. Dans cette cité se trouvent aussi un restaurant, des espaces d’animation et de sport, des boutiques, une conciergerie, un jardin partagé… L’ouverture sur la ville et la mixité des publics qui y vivent permettent aux habitants de ce lieu de maintenir le lien avec la société.
Un concept qui se diffuse
Après une expérience réussie, le groupe Aésio étend le concept à Montpellier en 2020 et Valence en 2021 ; une nouvelle construction se prépare à Privas. Avec, pour chaque lieu, un souci constant : s’adapter à l’évolution des prises en charge, faire progresser la prévention de la dépendance et répondre aux attentes des usagers et de leurs familles.
Résultats commentés : résidences autonomie, des habitats permettant de vivre à domicile en bénéficiant d’un environnement adapté et sécurisé
Un article rédigé par Angélique Balavoine, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
Les résidences autonomie (anciennement logements-foyers) sont des logements qui accueillent des personnes âgées majoritairement valides et autonomes. La France en compte 2 260 et près de 100 000 personnes y vivent. Ces résidences permettent à leurs locataires de vivre en toute indépendance dans un logement privatif, avec des espaces communs dédiés à la vie collective et sociale. Des services collectifs y sont proposés.
À la différence des résidences services seniors, les résidences autonomie sont majoritairement gérées par des structures publiques, notamment les centres communaux d’action sociale (CCAS), ou des structures à but non lucratif. Elles appartiennent à la catégorie des établissements et services sociaux et médicosociaux qui répondent à un besoin d’accompagnement. Leur fonctionnement est régi par le Code de l’action sociale et des familles. Le Conseil départemental leur délivre l’autorisation de fonctionner et vérifie la qualité des prestations par des évaluations régulières.
Respect des prestations obligatoires dans les résidences autonomie
La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) impose depuis janvier 2021 une liste de 10 prestations minimales aux résidences autonomie. Grâce à une enquête réalisée auprès des établissements, on sait que la mise en place d’actions collectives ou individuelles ayant pour objectif de prévenir la perte d’autonomie et garantir l’accès à un service de restauration étaient ainsi respectés par plus de 9 établissements sur 10 dès 2019. La mise à disposition d’un service de blanchisserie et l’accès à internet n’étaient en revanche respectés que par 7 établissements sur 101.
L’enquête sur les résidences autonomie réalisée début 2024, dont on connaîtra bientôt les résultats, permettra de voir si le déploiement de ces deux services s’est poursuivi.
- Pour en savoir plus : ces résultats sont issus du document Études et résultats n° 1284 de la Drees. ↩︎