Dans les précédents numéros, nous vous parlions de l’enquête HILOS. Un grand merci aux milliers de retraités qui nous ont fait confiance en acceptant d’y participer. La collecte est terminée ! Grâce à ces réponses, nous allons regarder les liens entre les types de logement et l’autonomie des personnes âgées de plus de 75 ans. L’analyse des réponses sera utile aux acteurs des politiques du vieillissement et de l’habitat. On s’attend notamment à des différences selon les types de logement et selon le lieu de vie. C’est d’ailleurs pour mieux comprendre la diversité des situations territoriales que nous irons prochainement rencontrer des retraités dans 9 départements français. Nous présentons ces territoires et expliquons les approches spatiales que nous développerons. Ce numéro nous permet aussi de présenter PAVeA, l’une des équipes de psychologie qui compose notre consortium. Puis, à la suite d’un article de la Gazette n° 1, nous poursuivons notre découverte des près de 2 200 résidences autonomie du pays grâce aux enquêtes de la Drees.
Le projet : trois enquêtes originales
Un article écrit par l’équipe pilote de Hilauseniors au sein de l’Unité de recherche sur le vieillissement
La recherche Hilauseniors s’appuie notamment sur trois enquêtes originales. Dans les deux premiers numéros de la gazette, nous annoncions le lancement de deux d’entre elles : l’enquête HILOS et l’enquête OFFRE.
L’enquête HILOS
L’enquête HILOS vise à constituer une large cohorte de retraités âgés de 75 ans et plus vivant en habitat ordinaire ou en habitat intermédiaire. Entre janvier et juillet 2025, plus de 70 000 questionnaires ont été envoyés au domicile de retraités de 75 ans et plus ; plus de 15 000 ont répondu. Dans les prochains mois, les membres de l’équipe scientifique analyseront les données recueillies.
L’enquête OFFRE
On connaît très bien les résidences autonomie (grâce aux données de la statistique publique). On connaît mal les autres types d’habitat intermédiaire, notamment ceux du secteur marchand. Nous avons adressé un questionnaire en ligne à près de 1 400 responsables de résidences services seniors. À ce jour, près d’un tiers des structures repérées y ont répondu.
L’enquête FOCUS
À présent, nous lançons l’enquête FOCUS, troisième volet du programme Hilauseniors. Parmi les 15 000 retraités ayant répondu au questionnaire HILOS, 200 vont être recontactés pour réaliser une rencontre à domicile et explorer plus finement les liens entre autonomie et lieu de vie. Ils seront sélectionnés d’après les critères suivants : avoir déclaré dans le questionnaire HILOS être volontaire pour approfondir l’étude, vivre en habitat intermédiaire ou en logement ordinaire (pas en Ehpad) et résider dans l’un des 9 départements prédéfinis par l’équipe scientifique (voir le tableau). Les visites à domicile seront réalisées par les membres de l’équipe scientifique.
Cadrage : l’approche géographique dans Hilauseniors
Un article écrit par Béatrice Chaudet, Camille Devaux, François Madoré et Annabelle Morel-Brochet, géographes à l’UMR ESO
L’approche géographique dans une étude est intéressante car elle permet de faire des liens entre les personnes enquêtées et leur environnement social et géographique. Dans le cadre de notre étude sur l’impact du type d’habitat (ordinaire ou intermédiaire) sur l’autonomie des personnes âgées, il est essentiel d’avoir une compréhension fine de l’environnement dans lequel évoluent les personnes enquêtées et une vision claire de leurs mobilités.
L’enquête HILOS a permis de recueillir tout un faisceau de données individuelles sur les personnes âgées ayant répondu au questionnaire, telles que l’âge, la composition du ménage, le niveau social, la santé, etc. Les données apportées par l’approche géographique – type de morphologie urbaine, topographie, densité de population, de services, des espaces publics, des espaces verts, etc. – vont renseigner sur l’environnement dans lequel vivent ces personnes.
L’analyse spatiale des données issues de HILOS va mesurer la distance entre le logement de l’enquêté et un certain nombre d’équipements ou services, entre deux logements en cas de déménagement, etc. Elle va également permettre d’identifier des zones géographiques où les ressources pour des personnes âgées sont inégales (par exemple, peu de ressources médicales mais de nombreux commerces de proximité). Cette méthode s’appuie beaucoup sur la cartographie.
Trois questions à… Nathalie Bailly et Kristell Pothier, professeure de psychogérontologie et maîtresse de conférences à l’université de Tours, membres du laboratoire PAVeA (Psychologie des âges de la vie et adaptation)
Propos recueillis par la rédaction de la Gazette

Sur quels sujets vos recherches portent-elles dans le domaine de la psychologie de la personne âgée ?
« Nos travaux portent sur le bien-vieillir et les facteurs psychosociaux qui le favorisent : stratégies d’adaptation, résilience, sentiment d’efficacité, qualité des relations sociales ou encore parcours résidentiels. Nous nous intéressons aussi aux interventions non médicamenteuses pour améliorer la qualité de vie en Ehpad et aux apports des gérontechnologies. »
Quels sont les liens entre santé psychologique et maintien de l’autonomie ?
« Une bonne santé psychologique favorise l’engagement, la motivation et la confiance en ses capacités. À l’inverse, anxiété, dépression ou isolement social fragilisent l’autonomie. Préserver l’équilibre psychologique est donc une clé pour retarder la dépendance et maintenir une participation active à la vie sociale. »
Quels sont vos rôles et objectifs dans la recherche Hilauseniors ?
« Nous analysons les dimensions psychologiques et sociales liées à l’habitat intermédiaire pour personnes âgées au regard de l’habitat ordinaire. L’objectif est d’identifier les besoins, d’évaluer les répercussions sur le bien-être et l’autonomie, et de mieux comprendre l’attachement au lieu de vie. Ces travaux visent à fournir des données scientifiques utiles pour orienter les politiques publiques et concevoir des environnements adaptés. »
Zoom sur… l’enquête FOCUS !
Un article écrit par Béatrice Chaudet, Camille Devaux, François Madoré et Annabelle Morel-Brochet, géographes à l’UMR ESO
À l’automne, les chercheurs du consortium iront rencontrer 200 seniors habitant dans quatre zones contrastées géographiquement et socialement. Petit tour d’horizon de ces territoires.
Loire-Atlantique et Vendée
Ces départements constituent un territoire en croissance démographique et économique, avec un réseau d’agglomérations de taille variée. Le tourisme balnéaire le long de la façade Atlantique favorise l’installation en grand nombre de seniors. En Vendée, la densité de résidences autonomie est très supérieure à la moyenne nationale (6,20 pour 10 000 seniors de 75 ans et plus, contre 3,39).
Nord et Pas-de-Calais
Ces départements présentent l’une des plus fortes densités de population en France. Le passé industriel de la région est prégnant dans l’organisation de l’espace et les inégalités sociales sont très marquées en fonction du territoire. On y retrouve des traditions séculaires d’habitat intermédiaire comme les béguinages. C’est le terrain le plus jeune de l’étude (8,5 % de 75 ans et plus contre 10 % en France). Le Pas-de-Calais compte plus de résidences autonomie que la moyenne nationale.
Corrèze, Dordogne et Haute-Vienne
Ces départements forment un terrain essentiellement rural, composé de communes peu ou très peu denses. Les contreforts du Massif central sont touchés par l’isolement géographique, mais certains territoires sont fortement touristiques. Des quatre terrains, c’est celui qui compte la plus forte proportion de personnes de 75 ans et plus (14 %). Paradoxalement, la présence de résidences services seniors y est inférieure d’un tiers à la moyenne nationale.
Guadeloupe et Martinique
Dans ces départements d’Outre-mer, les indicateurs économiques, sociaux et sanitaires sont parmi les plus dégradés. On y trouve l’une des plus faibles proportions de communes peu à très peu denses de France (45 % seulement). Le maintien à domicile des personnes âgées y est fortement répandu, au détriment des habitats intermédiaires : seulement deux résidences autonomie et pas de résidence services seniors.

Ainsi, la comparaison des territoires permettra de comprendre la diversité du maintien en autonomie selon les caractéristiques des territoires et des habitants, en tenant compte des inégalités socio-spatiales.
Résultats commentés : résidences autonomie, une distribution inégale sur le territoire
Un article rédigé par Angélique Balavoine – Drees
Dans le premier numéro de cette gazette, nous avions présenté une forme répandue d’habitats intermédiaires : les résidences autonomie, qui comprennent les ex-logements-foyers et les maisons d’accueil rurales pour personnes âgées. Construites principalement par des bailleurs sociaux et proposant divers services, ces résidences sont composées en moyenne de 50 places et essentiellement des logements de type studio, T1 bis ou F2. En moyenne, les résidents ont 82 ans et 2 mois ; les trois quarts sont considérés comme autonomes.
Depuis 2011, on observe une légère diminution du nombre d’établissements (50 établissements en moins, soit un peu moins de 2 200 établissements en 2023), mais une augmentation du nombre de places (108 330 en 2011 contre 112 000 en 2023).
Une offre hétérogène
La distribution des résidences autonomie est très inégale d’un territoire à un autre. En tenant compte du nombre de personnes âgées par département, la carte ci-dessous montre qu’il peut y avoir une offre 1 à 40 fois plus importante selon le lieu de vie. Globalement, l’offre est meilleure dans la partie Nord de la France, à l’instar des départements de l’Île-de-France ou de la Normandie. En revanche, plusieurs territoires insulaires ne disposent d’aucune résidence autonomie.

Ces inégalités spatiales interrogent les marges de manœuvre des personnes qui souhaiteraient rejoindre un habitat intermédiaire sans quitter leur territoire de vie. L’équipe Hilauseniors intègre ce questionnement dans son programme de recherche.

